Veille du mois de juin 2025
Recherche d’excellence en Basse-Autriche : l’ISTA sur la voie du Nobel ?
L'ISTA : un campus en pleine expansion au service de la recherche d’excellence
L’ISTA a été fondé sous l'impulsion d'Anton Zeilinger, physicien autrichien et prix Nobel de physique en 2022 qui a pour la première fois exprimé l'idée de créer une institution autrichienne d’excellence en recherche fondamentale, lors du forum d’Alpbach. C’est l’année 2009 qui marque l’ouverture officielle de l'ISTA à Klosterneuburg avec initialement 4 groupes de recherche et 37 employés. Aujourd'hui, plus de 1300 employé.es y travaillent, dont 90 professeurs dirigeant chacun un groupe de recherche, ainsi que 370 doctorants.
L'emplacement à Klosterneuburg, qui a pu susciter, certaines réticences et controverses au départ, semble aujourd'hui être l'un des atouts du centre. En effet, l'espace disponible a permis de mettre sur pied un grand campus cohérent qui peut accueillir directement des start-ups dans le Xista Science Park. Cela permet de créer un véritable cluster d'excellence dans lequel les transitions entre formation doctorale, recherche fondamentale, application et création d’entreprise sont très fluides.
En effet le Xista offre une infrastructure de laboratoires et de bureaux à la pointe de la technologie, adaptable aux besoins des spin-offs universitaires, des startups deep tech et des entreprises de R&D. Il sert de pont entre la recherche fondamentale menée à l'ISTA et les entreprises et industries de toute la région et au-delà.
Le Xista offre plus de 1 300 m² de bureaux et 1 200 m² de laboratoires à louer, dont des laboratoires de biologie moléculaire et de culture cellulaire entièrement équipés. De nombreuses entreprises sont déjà présentes sur le site comme par exemple Sarcura, une start-up créée en 2019 qui développe une plateforme autonome et miniaturisée pour la production de thérapies cellulaires de précision (type CAR‑T) ou encore Solgate une spin-off du Centre de médecine moléculaire de l’Université de Vienne (CeMM) et de l’ISTA, spécialisée en biotechnologie.

L’ISTA apparait alors comme un véritable cluster d’excellence à Klosterneuburg. Néanmoins, le projet continue de s’étendre et prendre de l’ampleur, notamment dans le cadre d’une volonté d’agrandissement ambitieuse, portée par le « Masterplan 2036 » et soutenue par un investissement conjoint de 3,28 milliards d’euros par l’État fédéral et le Land de Basse-Autriche.
Ainsi, trois nouveaux bâtiments destinés aux chercheurs sont actuellement en construction devraient être terminés d'ici 2028 et un centre de médiation scientifique destiné au public le « Vista Science Experience Center » accueillera ses premiers visiteurs à l’automne. En parallèle une crèche ouvrira à l'été 2025, renforçant l’environnement favorable aux familles de²f ccrf crd l’Institut.
A l’horizon 2036, est prévue l’installation de 150 nouveaux groupes de recherche et 2000 collaborateurs de plus, sur le campus. Par ailleurs, les parcs technologiques ISTA et Xista, qui hébergent déjà plus de 20 start-ups et entreprises innovantes, continueront leur développement dès 2025, renforçant ainsi le lien entre recherche fondamentale et innovation technologique.
L’ISTA : un modèle unique à la base de son succès
L’ISTA possède certaines spécificités structurelles qui renforcent son attractivité. En premier lieu, il bénéficie, sur le plan budgétaire, d’une stabilité que les universités n’ont pas. Alors que ces dernières doivent renégocier leurs budgets tous les trois ans, l’ISTA est financé à long terme (10 ans), grâce à un accord entre l’État fédéral et le Land de Basse-Autriche, ce qui lui permet de garantir les investissements pour son expansion. Ainsi pour la période 2026-2036, le budget de l'ISTA est de 3,3 milliards d’euros avec 75% venant du gouvernement fédéral et 25% du Land. Cependant, l’ISTA est très attaché à son indépendance et les décisions scientifiques y sont prises sans ingérence extérieure. Ce modèle autrichien est d’ailleurs salué au niveau européen.
De plus, l'ISTA est régi par une loi spécifique qui lui accorde une grande autonomie et flexibilité dans son organisation. Ainsi il n'y a ni facultés, ni départements rigides contrairement aux universités classiques. Aussi cette spécificité lui permet de ne pas définir les postes des professeurs par discipline académique ce qui rend les recrutements beaucoup plus flexibles à l'échelle internationale car seule la qualité et l'excellence du candidat compte. De plus, une fois à l'ISTA, les chercheurs peuvent facilement naviguer entre disciplines, ce qui est d’autant plus attractif pour les chercheurs ambitieux du monde entier.
Cette flexibilité et fluidité entre les domaines de recherche s’illustre également au sein de l'école doctorale de l'ISTA qui autorisent les doctorants à passer par plusieurs groupes de recherche. Cela favorise la création de profils scientifiques interdisciplinaires d’excellence.
Toutes ces caractéristiques font de l’ISTA un centre unique en Autriche qui attire des chercheurs d'excellence du monde entier et cela se traduit très concrètement avec plus de 80 ERC depuis son ouverture en 2009. Alors que le taux de réussite moyen des candidatures est d’environ 12 %, à l’ISTA, près d’une demande sur deux est acceptée.
Il s’agit dès lors d’un cercle vertueux dans lequel « l’excellence attire l’excellence ». En effet, comme l’a affirmé très justement Helga Nowotny, l'ancienne présidente du Conseil européen de la recherche en se référant à l’ISTA : « les jeunes talents vont là où existe déjà un noyau de recherche passionnant. »
L’ISTA : un bon candidat pour le prix Nobel ?
Le 7 mai dernier, lors d'un meeting politique, la gouverneure de Basse-Autriche Johanna Mikl-Leitner a déclaré que l'un des objectifs de la « Mission Basse-Autriche » était de rendre visible la région à l’international en tant que « centre de recherche et d’innovation ». En effet, grâce aux nombreux investissements dans la recherche, la gouverneure espère qu’un Prix Nobel sera bientôt décerné à un ou une Basse-Autrichien.ne. Elle a notamment pris comme exemple l’Institut des sciences et technologies d’Autriche (ISTA), basé à Klosterneuburg, dans lequel la recherche de pointe se développe de manière impressionnante.

A ce sujet, il est important de garder à l'esprit qu'il peut s'écouler des décennies entre une découverte scientifique révolutionnaire et l'obtention du prix. En effet l’exemple d’Anton Zeilinger illustre parfaitement ce décalage : ce dernier a reçu le Prix Nobel de physique en 2022 alors même que la découverte scientifique pour laquelle il a été récompensé remonte principalement aux années 1990 et début 2000. De plus, l'âge moyen des lauréats d'un prix Nobel est de 70 ans. Or l'ISTA est une institut très jeune (moins de 20 ans) dont la moyenne d'âge des chercheurs est d'environ 35 ans.
Pourtant, l’obtention d’un prix Nobel par une membre de l’ISTA n’est pas complétement à exclure. En effet, comme l'a relevé Martin Hetzer, le président du centre depuis 2023, l'ISTA est très bon dans certains domaines dans lesquels les avancées scientifiques peuvent aller très vite comme l'a montré par exemple le prix Nobel de Chimie 2024 décerné à trois chercheurs (Demis Hassabis, John Jumper et David Baker) pour leurs travaux révolutionnaires sur la prédiction de la structure des protéines grâce à l’IA.
Sources :
> Nobelpreis nach Niederösterreich? Warum Mikl-Leitners Traum nicht aus der Luft gegriffen ist, Der Standard : https://www.derstandard.at/story/3000000270582/nobelpreis-nach-niederoesterreich-warum-mikl-leitners-traum-nicht-aus-der-luft-gegriffen-ist
> Ista-Präsident Hetzer: "In die Wissenschaft redet uns niemand drein", Der Standard : https://www.derstandard.at/story/3000000270652/praesident-des-ista-in-die-wissenschaft-redet-uns-niemand-drein
> Mission Nobelpreis in NÖ: 3,2 Milliarden Euro für Forschungszentrum, Kurier : https://kurier.at/chronik/niederoesterreich/ista-mikl-leitner-klosterneuburg-pernkopf/402903004
> ISTA in Klosterneuburg wird massiv ausgebaut, Oe24 : https://www.oe24.at/oesterreich/chronik/niederoesterreich/ista-in-klosterneuburg-wird-massiv-ausgebaut/595274935
> Xista science Park : https://xista-park.com/
Rédactrice : Auregan Labrune, auregan.labrune@diplomatie.gouv.fr
Jubilé de l'Agence Spatiale Européenne (ESA) : quel bilan pour l’engagement autrichien dans le domaine ?
L’année 2025 sonne le jubilé de l’existence de l’Agence spatiale européenne (ESA). En effet, le 30 mai 1975, la Convention de création de l’ESA a été signée par dix Etats membres fondateurs. Depuis, elle s’est élargie à 23 Etats membres dont l’Autriche depuis en 1986. Cet anniversaire constitue une occasion privilégiée de revenir sur l’engagement de l’Autriche au sein de l’organisation et sur l’impact de sa participation dans le développement du spatial européen.

Un engagement autrichien renouvelé
En 2025, l'Autriche a versé 66,2 millions soit 1,3% du budget total de l'ESA. Cependant, une nette augmentation de la contribution autrichienne pour la prochaine période de financement (2026-2028) a été annoncée par le nouveau ministre de l'innovation autrichien Peter Hanke, passant de 260 millions à 320 millions d'euros.
La hausse de cet engagement financier prend tout son sens au regard du potentiel stratégique du secteur spatial. En effet, bien qu’elle ne représente qu’un volume global d'environ 500 milliards d'euros, ce qui peut sembler relativement modeste à côté de secteurs comme la pharmacie ou l'armement, l’économie spatiale affiche une croissance de plus de 10% par an. Cette dynamique, due en partie grâce à la multiplication des satellites commerciaux utilisés pour l’observation de la Terre, la navigation, la météorologie ou encore les télécommunications, rend le marché très attractif et devrait le porter à plus de 1 800 milliards d’euros d'ici 10 ans.
Selon les données publiées par Austro Space, l’association des entreprises spatiales autrichiennes, chaque euro investi par l’Autriche dans l’ESA générerait environ quatre euros de recettes à l’exportation pour l’économie nationale. Par ailleurs, les fonds investis reviennent presque intégralement dans le budget de l’État sous forme de recettes fiscales, illustrant l’effet de levier considérable de la participation autrichienne au programme spatial européen.
Ce dynamisme est également soutenu au niveau national par le programme spatial national « ASAP » (Austrian Space Applications Programme), principal instrument de financement autrichien de la recherche dite « bottom-up » pour des applications spatiales. Lancé en 2002 et piloté l’agence de financement de la recherche FFG, il a déjà soutenu plus de 800 projets. Il contribue ainsi largement à renforcer le secteur spatial autrichien en encourageant l'innovation, en augmentant la compétitivité et en créant des emplois.
Actuellement, le secteur spatial autrichien regroupe environ 150 entreprises et emploie quelque 1 300 personnes. Parmi les acteurs majeurs figure Beyond Gravity Austria, principale entreprise spatiale du pays implantée à Vienne, qui développe des technologies de pilotage pour moteurs de satellites. Autre pilier industriel, Magna Steyr, bien connu dans le domaine automobile, contribue également au secteur spatial grâce à sa division Aerospace, spécialisée dans les conduites haute pression pour moteurs de fusée.
La Basse-Autriche : un moteur régional de l’innovation spatiale
Au-delà de son engagement national, l’Autriche dispose d’écosystèmes régionaux particulièrement dynamiques en matière d’innovation spatiale, comme en Basse-Autriche.
Le premier ESA Lab autrichien à Wiener Neustadt : moteur de l’innovation aérospatiale autrichienne
La Haute école spécialisée (FH) de Wiener Neustadt est au cœur d’un écosystème technologique très actif, notamment grâce à FOTEC, son institut de recherche technologique appliquée. Les domaines d'expertise couverts par cet institut sont notamment la propulsion électrique pour petits satellites, l'optimisation mécanique et la fabrication additive (3D) ou encore les systèmes embarqués.
Il agit dès lors comme une véritable interface entre la recherche académique et l’industrie et permet le développement de nombreuses start-ups innovantes, profitant du transfert de technologies, de l'accompagnement technique et des liens avec l'industrie et les institutions européennes.
Le FOTEC se distingue particulièrement dans le domaine de l'ingénierie aérospatiale au sein duquel il joue un rôle clé en matière de développement de nano et microsatellites. A ce titre, il a été désigné, le 12 septembre 2024, premier « ESA Laboratory » officiel en Autriche, ce qui en fait un partenaire stratégique de l’Agence spatiale européenne.

Selon l’ESA, le programme « ESA Lab », lancé en 2016, vise à unir les expertises régionales autour d’enjeux spatiaux d’avenir. A Wiener Neustadt, l’accent est mis sur les nano- et microsatellites, les systèmes de propulsion, ainsi que sur les tests de composants spatiaux. Ce nouveau statut attire déjà de nombreux financements ainsi que de nouvelles entreprises et startups, l’objectif étant de créer un véritable « hub space-tech » à Wiener Neustadt
Le premier ESA Phi-Lab autrichien à Schwechat : tremplin pour les start-ups du spatial
Puis, un partenariat entre l'Agence spatiale européenne, le ministère de la Protection du climat fédérale autrichien et le land de Basse-Autriche, a officiellement inauguré le premier « ESA Phi-Lab » d'Autriche, à l'aéroport de Vienne-Schwechat, le 26 avril 2024.
Ce Phi-Lab, dont le nom fait référence à la lettre grecque symbole de la quête de connaissance, a pour mission de soutenir de nouvelles idées commerciales et des start-ups grâce à des services d’incubation, de propriété intellectuelle et de transfert de technologie. Il doit aussi aider les entreprises à prendre davantage de risques, à accéder plus rapidement au marché et à attirer des investisseurs privés et institutionnels grâce à des investissements dits de « scale-up ». L'ESA Phi-Lab Autriche soutient un large éventail de technologies allant des systèmes de propulsion avancés à la navigation autonome, en passant par la robotique et les capteurs, qui façonnent l’avenir du voyage spatial. Actuellement la société Enpulsion, fournisseur de systèmes de propulsion pour petits et microsatellites, au succès mondial, ainsi que deux autres entreprises aérospatiales innovantes et en plein essor, Gate Space et R-Space y sont installées.
Ce label marque ainsi un jalon important dans l’utilisation du savoir-faire industriel au service de l’espace et renforce le cluster spatial de Basse-Autriche.

Pour soutenir développement du secteur, le Land de Basse-Autriche mise également sur son incubateur de start-ups Accent qui propose de nombreux services afin de favoriser le développement des jeunes entreprises innovantes de la région ainsi que sur son agence de transfert technologique et d’investissement Tecnet, qui mobilisent des fonds publics et privés pour stimuler la création de start‑ups innovantes.
La Styrie au cœur des missions spatiales avec l’Institut de recherche spatiale de Graz
Le land de Styrie a également très bonne réputation dans le secteur spatial notamment avec son Institut de recherche spatiale (IWF) de l'Académie autrichienne des sciences qui se concentre sur la physique du système solaire et l’étude des exoplanètes.
Avec une centaines de membres, il est le seul institut autrichien à développer et construire à grande échelle des instruments qualifiés pour l'espace. A l'heure actuelle il a déjà développé plus de 1000 instruments embarqués dont la moitié servant dans le cadre de missions ESA.
Depuis plus de 70 ans, l'institut est impliqué dans des missions spatiales internationales. En effet depuis sa première mission en 1983, il a participé à plus de 40 missions spatiales internationales. Actuellement, il contribue notamment à la mission satellite euro-japonaise « Bepi Colombo » vers Mercure en fournissant un spectromètre ionique et un magnétomètre qui permettront d'analyser le champ magnétique de la planète et son interaction avec le vent solaire intense qui y règne. Ce premier projet de satellite commun entre l'Europe et le Japon auquel participent l'Agence spatiale européenne (ESA) et l'Agence japonaise d'exploration aérospatiale (JAXA), devrait atteindre Mercure en décembre 2025.

Ainsi, l’Autriche se distingue particulièrement dans le domaine de la recherche spatiale et contribue largement aux efforts spatiaux européens actuels et à venir ainsi qu’au rayonnement mondial de l’Agence spatiale européenne.
Sources :
> “ESA is celebrating its 50th anniversary”, The European Space Agency : https://www.esa.int/About_Us/50_years_of_ESA/ESA_is_celebrating_its_50th_anniversary
> „Die Weltraumorganisation Esa wird 50 und betätigt sich erstmals militärisch“, Der Standard : https://www.derstandard.at/story/3000000271257/die-weltraumorganisation-esa-wird-50-und-betaetigt-sich-erstmals-militaerisch
> “Beyond Gravity Austria (formerly RUAG Space)”, Austria in Space : https://austria-in-space.at/en/organisations/beyondgravity.php
> “Magna Steyr Aerospace”, aeronautics.at : https://aeronautics.at/organisations/magna-steyr-aerospace
> „FOTEC - Forschungs- & Technologietransfer GmbH“, Fachhoschule Wiener Neustadt : https://www.fhwn.ac.at/forschung/fotec
> „ESA Lab @Austria“, Fachhoschule Wiener Neustadt : https://www.fhwn.ac.at/forschung/esa-lab
> „Erstes ESA Lab Österreichs“, Fachhoschule Wiener Neustadt : https://www.fhwn.ac.at/news/erstes-esa-lab-oesterreichs
> “First ESA-Phi-Lab opened at Vienna Airport”, Tecnet : https://tecnet.at/en/news/esa-phi-lab
> “GATE Space und R-Space“, Flughafenfreunde Wien : https://www.flughafenfreunde.at/2025/03/11/gate-space-und-r-space/
> „Nationales Weltraumprogramm (ASAP)“, Austria in Space : https://austria-in-space.at/de/austria-in-space/nationales-weltraumprogramm.php
> „BepiColombo”, Österreischiche Akademie der Wissenchaften : https://www.oeaw.ac.at/iwf/forschung/weltraummissionen/laufende-missionen/bepicolombo
Rédactrice : Auregan Labrune, auregan.labrune@diplomatie.gouv.fr
Distinctions scientifiques en Autriche : Elly Tanaka reçoit le prix Wittgenstein et dix-huit jeunes chercheurs obtiennent le prix ASTRA
Le 25 juin dernier, lors d’une cérémonie officielle, le Prix Wittgenstein 2025 a été décerné à Elly Tanaka, biochimiste et directrice de l’Institut de biotechnologie moléculaire de l’Académie autrichienne des sciences (l’IMBA). Doté de 1,9 million d’euros, ce prix lui permettra de poursuivre ses recherches sur la régénération de structures corporelles complexes.
Le Prix Wittgenstein du Fonds autrichien pour la science est la plus haute distinction scientifique autrichienne. Il est remis chaque année à un ou une scientifique de renommée internationale afin de récompenser l’ensemble de ses travaux tout en lui offrant un soutien financier majeur pour ses projets de recherche actuels.
Une recherche révolutionnaire pour la compréhension de la régénération des tissus
Elly Tanaka s’est imposée comme une figure incontournable dans le domaine de la régénération de structures corporelles complexes, notamment grâce à ses travaux innovants sur l’Axolotl, une salamandre mexicaine, aux capacités de régénération extraordinaires, capable de régénérer presque toutes les parties de son corps en quelques semaines.

Depuis les années 1990, elle et son équipe ont élaboré avec succès des méthodes de biologie moléculaire et d’imagerie sur cet organisme modèle, ce qui a participé à relancer son intérêt dans la recherche fondamentale.
Ses découvertes majeures ont profondément enrichi la compréhension des mécanismes cellulaires et moléculaires de la régénération. Elle a montré que, dès le début du processus, certaines cellules spécialisées peuvent temporairement perdre leur fonction spécifique pour redevenir semblables à des cellules souches : un phénomène appelé dédifférenciation. Par ailleurs, elle a identifié des molécules clés qui déclenchent et contrôlent la repousse des membres. Plus récemment, elle a découvert qu’une voie de signalisation moléculaire jouait un rôle essentiel dans la mémoire de position des tissus en régénération, garantissant ainsi la bonne reconstruction des structures.
Dès lors, ces avancées ouvrent à de nouvelles stratégies pour stimuler la régénération ou le remplacement des tissus chez les mammifères, dont les humains.
Vers des applications en médecine régénérative
Les recherches d’Elly Tanaka ont des implications directes en médecine humaine. En effet, son équipe travaille actuellement à comprendre comment les cellules visuelles humaines pourraient un jour se renouveler. Ils ont récemment réussi à amener des cellules souches embryonnaires humaines à former du tissu rétinien.
Au-delà de ses recherches, Elly Tanaka accorde également une grande importance à la communication scientifique. Grâce à ses explications claires et à son sujet attrayant, elle rend ses travaux accessibles à un large public et souhaite s’impliquer encore davantage dans ce rôle afin de transmettre sa fascination pour la science aux plus jeunes.
Prix ASTRA 2025 : 18 jeunes scientifiques d’excellence récompensés pour leurs projets ambitieux
La cérémonie de remise du prix Wittgenstein fut également l’occasion de décerner pour la première fois les nouveaux prix ASTRA (Advanced Science Targeted Research Awards) du Fonds autrichien pour la science. Ceux-ci ont été créés précisément pour d’inciter les scientifiques d’excellence à mener leur recherche dans des institutions autrichiennes.
En effet, chacun doté d’environ un million d’euros, ces prix financent pendant cinq ans des projets ambitieux menés dans des universités ou centres de recherche autrichiens, offrant ainsi aux lauréats une base solide pour devenir des leaders dans leur domaine.
Cette année, dix-huit prix ont été attribués avec une parité parfaite. De plus, ils couvrent l’ensemble des disciplines de la recherche fondamentale : un tiers concernent les sciences naturelles et technique, un tiers les sciences biologiques et médicales, et le dernier tiers portent sur les sciences humaines et sociales.

Par ailleurs, trois scientifiques d’excellence ont pu rejoindre des instituts autrichiens grâce à ce dispositif, illustrant ainsi l’attractivité internationale des prix ASTRA dans un contexte de compétition scientifique mondiale.
Lauréats et lauréates des prix ASTRA 2025 et résumé de leur projet de recherche (par ordre alphabétique) :
Philipp Erwin Berghofer, Université de Graz : Philosophie de la mécanique quantique
Il explore les fondements philosophiques de la mécanique quantique, questionnant notamment ce que la théorie nous dit sur la nature fondamentale de la réalité et notre façon de la conceptualiser.
Eric Burton, Université d’Innsbruck : La colonialité dans les Alpes : repenser les interdépendances globales du Tyrol
Il étudie comment le concept de colonialité et notamment les formes persistantes de domination culturelle, politique et épistémique, peut être déconstruit ou « déprovincialisé », pour favoriser une pensée critique postcoloniale en Europe.
Jan Dreier, Université technique de Vienne : Principes structurels des réseaux de données
Il s’intéresse aux modèles mathématiques régissant la structure des grands réseaux (internet, systèmes de communication…), et étudient les motifs universels qui expliquent leur résilience et leurs dynamiques évolutives.
Alexander Glazman, Université d’Innsbruck : Géométrie des transitions de phase
Il applique la géométrie et l’analyse mathématique pour décrypter les phénomènes de transition de phase (par exemple la fusion), en dévoilant les structures sous-jacentes qui gouvernent ces changements physiques.
Gernot Grabner, Université médicale de Graz : Traitement des maladies du foie
Il développe de nouvelles approches thérapeutiques pour traiter les affections hépatiques, mêlant recherche fondamentale et applications cliniques afin d'améliorer la santé du foie et des patients concernés.
Elisabeth Gruber, Université d’Innsbruck : Chimie du milieu interstellaire
Elle reconstitue en laboratoire les conditions chimiques du milieu interstellaire, pour mieux comprendre la formation de molécules complexes dans l’espace, potentiellement à l’origine de la vie.
Lisa Isola, Université de Vienne : Perspectives historiques et comparées du droit privé
Elle s’intéresse à l’histoire du droit privé, et retrace notamment la façon dont ont évolué et interagi les traditions juridiques nationales à travers les siècles pour façonner les systèmes actuels.
András Kraft, Central European University : Analyse de la littérature apocalyptique byzantine
Il étudie les textes apocalyptiques dans la littérature byzantine, afin de montrer comment ces récits ont reflété et influencé les crises religieuses, politiques et sociales de leur époque.
Megan Lambert, Université de Vienne : Capacité d’innovation chez les oiseaux
Elle s’intéresse au développement de nouvelles techniques (outils, comportements) par certaines espèces d’oiseaux afin de mieux comprendre l’évolution de l’innovation dans le règne animal.
Angelika Manhart, Université de Vienne : Mécanismes de coordination cellulaire
Elle étudie comment les cellules communiquent et se synchronisent dans les tissus multicellulaires, éclairant ainsi les processus de développement, de régénération ou de pathologie.
Anne Miller, Université médicale de Vienne : Structure spatiale des processus biochimiques
Elle cartographie l’organisation spatiale des réactions biochimiques au sein des cellules, pour comprendre comment la disposition géométrique influence la fonction et l’efficacité des processus vitaux.
Gerben Oling, Université technique de Vienne : L’horizon au-delà des trous noirs
Il explore les propriétés de l’horizon des événements des trous noirs, employant des outils avancés de la relativité générale pour mieux comprendre la frontière ultime de la physique.
Bojana Radovanović, Université de Graz : Traditions religieuses en Europe du Sud-Est
Elle s’intéresse aux pratiques religieuses traditionnelles dans les Balkans, en analysant leur évolution historique, leur persistance et leur rôle socio-culturel contemporain.
Silvia Ramundo, Institut Gregor Mendel de biologie moléculaire des plantes, Académique autrichienne des sciences : Signaux émanant des chloroplastes
Elle explore les voies de signalisation issues des chloroplastes, afin de comprendre comment ces organites contrôlent des fonctions vitales des plantes, comme la réponse au stress.
Daniele Semola, Université de Vienne : Fondements mathématiques de l’analyse des grands réseaux
Il travaille sur les théories mathématiques permettant d’analyser avec précision les très grands réseaux, qu’ils soient sociaux, biologiques ou technologiques, en mettant en lumière leurs propriétés structurelles fondamentales.
Megan Sørensen, Université de Vienne : Partenariats microbiens dans l’évolution
Elle étudie comment les micro-organismes associés à des hôtes (plantes ou animaux) influencent les processus évolutifs, offrant alors un éclairage nouveau sur l’évolution des symbioses.
Dagmar Vorlíček, Université de Vienne : Histoire des innovations en matière de sécurité
Elle retrace l’histoire des innovations dans le domaine militaire et de la sécurité, analysant comment les innovations technologiques et politiques ont transformé les pratiques de sécurité.
Michael Wallner, Université technique de Vienne : Comportement de grandes structures mathématiques
Il s’intéresse aux grandes structures (groupes, catégories, etc.) en mathématiques abstraites, en étudiant leur dynamique, leurs symétries et la façon dont elles interagissent dans des systèmes complexes.
Sources :
„Elly Tanaka erhält den FWF-Wittgenstein-Preis 2025“, FWF Österreichischer Wissenschaftsfonds: https://www.fwf.ac.at/aktuelles/detail/elly-tanaka-erhaelt-den-fwf-wittgenstein-preis-2025
„Regenerationsforscherin Elly Tanaka erhält "Austro-Nobelpreis"“, APA Science: https://science.apa.at/power-search/16785002487992482444
„FWF-ASTRA-Preise: 22 Millionen Euro für aufstrebende Spitzenforscher:innen“, FWF Österreichischer Wissenschaftsfonds: https://www.fwf.ac.at/aktuelles/detail/fwf-astra-preise-22-millionen-euro-fuer-aufstrebende-spitzenforscherinnen
„FWF vergab erstmals ASTRA-Preise an 18 Nachwuchsforscher“, APA Science: https://science.apa.at/power-search/10702990613850563626
Rédactrice : Auregan Labrune, auregan.labrune@diplomatie.gouv.fr