En général

Campagne de lutte contre la violence faite aux femmes

L’institut français d’Autriche a tenu à soutenir les 16 jours d’activisme pour mettre fin à la violence faite aux femmes du 25 novembre au 10 décembre, en se penchant sur le langage et sur l’image de la femme. Si la violence verbale constituée d’insultes est aisément condamnable par tous, qu’en est-il de ces expressions souvent insidieuses qui peuplent plus ou moins consciemment notre langage ? Tellement ancrées dans ce qu’on appelle l’inconscient collectif, comme les images hypersexualisées de la femme, elles peuvent parfois, au premier abord, paraître anodines. Le sont-elles vraiment ? Nous vous proposons de retrouver sur notre site un recueil des publications qui ont été postées sur Facebook et Instagram. Vous y retrouverez également des conseils de films, de lectures, des vidéos et des anecdotes grammaticales étonnantes.

Expressions tendancieuses et pratiques infériorisantes

Qui n’a jamais entendu dire : « c’est un vrai garçon manqué » pour parler d’une fille qui aurait des allures masculines ; un comportement de garçon ? L’expression « fille manquée » n’existe pas et la société n’envisage même pas ce que cela pourrait vouloir dire. L’équivalent anglais est « Tomboy » à l’instar du film français écrit et réalisé par Céline Sciamma, sorti en 2011.  Ce genre d’expressions bien ancrées dans les mentalités illustrent combien il est difficile de sortir des stéréotypes de genre à l’instar de la couleur rose pour les filles et bleu pour les garçons, la beauté pour les filles et le courage pour les garçons… 

L’expression « Il faut souffrir pour être belle ! » n’est pas, non plus, utilisée au masculin. Les hommes n’ont pas cette injonction de beauté et la pression sociale sur leur apparence physique est moins forte. Ainsi, la plaisanterie « une femme vieillit, pendant qu’un homme murit ! » cache une réalité peu joyeuse sur la discrimination envers les femmes. Dans le monde du cinéma par exemple, il est difficile pour des femmes de plus de cinquante ans d’obtenir des rôles et d’avoir la part belle aux côtés d’acteurs cinquantenaires qui eux donnent la réplique à de jeunes actrices qui pourraient être leurs filles mais jouent le rôle de leur compagne !

Et c’est aussi cette injonction de jeunesse qui peut laisser croire que le titre de « mademoiselle » est flatteur pour les femmes. Est-il cependant approprié de continuer à faire une différence entre les titres données aux femmes en fonction du statut marital ? Il n’existe pas de titre pour un jeune homme célibataire qui, quoi qu’il en soit, sera nommé Monsieur. En 2012, une circulaire du premier ministre français préconise la suppression du titre « Mademoiselle » dans les textes officiels. De même pour les termes « nom de jeune fille » et « nom d’épouse » qui sont cependant bien présents encore dans de nombreux formulaires.

Au statut de femme mariée est facilement accolée celui de mère.  Le terme « parents » qui vient du latin parere (engendrer) signifie bien étymologiquement « père et mère », mais il est souvent amputé de l’élément masculin pour ne conserver que celui de mère, qui sous-tend un nombre incalculable de qualités nécessaires et rarement suffisantes !

Si l’expression « Rabeneltern » existe aussi, « Rabenmutter » est plus souvent utilisée. Traduit littéralement en français, cela donne « mère corbeau ». L’expression n’existe pas en français, le concept de « mauvaise mère » est aussi présent, même s’il ne recouvre pas forcément les mêmes griefs. Profitons-en pour rendre justice à ces pauvres corbeaux qui sont pourtant des oiseaux très intelligents et de bons parents et comprendre l’origine de cette expression : cette erreur de jugement viendrait du fait que les jeunes corbeaux quittent le nid très vite mais sans pour autant être abandonnés par leurs parents. Transposé au genre humain, la Rabenmutter « abandonnerait » ses enfants en reprenant le travail après leur naissance ; un reproche moins développé en France où cependant, comme partout ailleurs, on ne demande jamais à un papa comment il compte faire pour cumuler vie professionnelle et vie familiale ! 

L’étymologie nous en apprend beaucoup sur la dépréciation des noms féminins au fil des époques. Autrefois une « garce » était simplement le féminin de « gars » et donc de « garçon » avant qu’on lui assigne d’autres sens…Puis il fut remplacé par « fille » mot qui ne tarda pas non plus à être connoté négativement ! Dans son roman intitulé « Fille », Camille Laurens explicite cette multitude de sens infériorisants : fille de…, de joie, facile ou même seulement une fille ! «C’est une fille». Ainsi commence son roman. Découvrez la suite et ce que cela veut dire d’être née fille en 1957, sur Culturethèque.

Les injonctions faites aux femmes et aux mères constituent ce qu’on appelle la charge mentale. C’est la charge cognitive invisible qui incombe le plus souvent aux femmes qui doivent penser aux tâches ménagères et organiser la vie domestique, en plus de leur vie professionnelle. Ces dessins de la dessinatrice Emma vont sûrement vous mettre la puce à l'oreille et vous faire réaliser à quel point cette charge peut devenir pesante. Et si vous avez besoin de pratiquer, ce guide au titre audacieux est fait pour vous : „Petit carnet à l'usage des hommes qui ont une toute petite charge mentale“, de Claire Delaporte

Quand l’Académie française s’en mêle !

En français, l'adjectif qui qualifie plusieurs noms de genres différents s'accorde automatiquement au masculin, on parle de la règle du « masculin l’emporte ! » Exemple : Des garçons, des filles, des femmes beaux.

Mais saviez-vous que cela n’a pas toujours été le cas ? On a longtemps utilisé l’accord de proximité et, dans une énumération, c’était donc le dernier terme qui donnait son genre et même son nombre à l’adjectif ou au participe passé. C’est au XVIIe siècle que l’usage ancien de l’accord de proximité est remplacé par les académiciens par l’accord selon « le genre le plus noble » (sic). Ainsi, le grammairien Nicolas Beauzée justifie cette décision en ceci que « le genre masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle ». Cette même Académie s’est penchée aussi sur la féminisation des noms de métiers. Si le sujet continue de faire débat, l’Académie française, garante du bon usage de la langue, s’est résolue le 28 février 2019 à la féminisation des noms de métiers, de fonctions, de titres et de grades. Le rapport à ce sujet constate cependant que « la langue française a tendance à féminiser faiblement ou pas les noms de métiers (et de fonctions) placés au sommet de l’échelle sociale »

Et si nous changions les les mots pour changer le monde? Pour que Présidente, Première ministre et Cheffe d’Etat n’étonnent plus personne ? Pour approfondir le sujet : Lire la linguiste Florence Montreynaud : « Chaque matin je me lève pour changer le monde »

La femme :  de la mère à l’objet érotisé pour arriver à la carriériste autoritaire ! 

Depuis la « ménagère de plus de cinquante ans » (encore une expression qui interroge !) des années soixante qui rêve d’appareils ménagers censés « libérer la femme » à la wonder woman des années 90 qui travaille tout en assumant son rôle de mère, où en est la publicité de nos jours et comment la percevons-nous ? 

Une petite expérience aide à prendre conscience du problème : Prenez des publicités pour des chips, des hamburgers ou d’autres produits du quotidien avec en rôle principal des femmes dénudées, prenant des poses suggestives, c’est-à-dire, la grande majorité des images qui inondent notre quotidien. Prenez les mêmes publicités avec, cette fois-ci, des hommes en personnage principal. Cela ne donne pas du tout la même impression et apparaît amusant voire ridicule, en aucun cas « vendeur ». Pourquoi cette différence ? Avons-nous tellement intégré la femme en tant qu’objet érotisé que cela ne nous choque pas alors que les mêmes scènes jouées par de hommes ne passent pas du tout ?

Un podcast très utile pour répondre à cette question :  L’objectification sexuelle des corps dans les médias maintient-elle les stéréotypes de genre et le sexisme ? 

La numéro deux de Facebook, Sheryl Sandberg a lancé le mouvement Ban Bossy (« bannissez le mot autoritaire »), appelant à arrêter de considérer les femmes comme des tyrans autoritaires, là où les hommes seraient en effet respectés et vus comme des leaders. Les femmes au pouvoir seraient plus autoritaires, des carriéristes à la dent dure ! Le terme de "Queen bee" a même été inventé pour qualifier une femme qui souhaite tout contrôler. Mais dans un monde du travail encore fortement dominé par les hommes, ces derniers ne sont jamais qualifiés de Queen Bee car leurs comportements coïncident avec les stéréotypes attendus d'un leader. La prise de parole des femmes est compliquée dans le monde du travail. La journaliste Jessica Benett de Time Magazine a rebaptisée de « manterrupting » le fait, pour un homme, d'interrompre inutilement une femme, sans compter que les hommes reprendraient aussi volontiers à leur compte les propos des femmes.

Et pour approfondir ces questions, nous vous invitons à découvrir la Misogyne police avec la vidéo intitulée : « Sexisme et langue française » qui explique avec beaucoup d’ intelligence comment déjouer les préjugés sexistes dans le langage. Parce que c’est extrêmement bien fait, nous vous conseillons aussi la vidéo sur « les masculinités ! »

Dans un ouvrage paru en 1995, Raewyn Connell propose une approche sociologique des masculinités. Il n’y est pas question du « rôle masculin » historiquement construit mais de la coexistence de différentes masculinités qui se transforment dans le temps et en fonctions des contextes sociaux.

Découvrez aussi la campagne #stopsexisme, proposée par l’ONG « Le Monde selon les femmes » 

Quelques films aussi : 

« Zouzou » : un film français de Blandine Lenoir sorti en 2014, avec Laure Calamy.

Pendant quelques jours, Solange, ses trois filles et sa petite-fille Zouzou vont se retrouver dans une maison de campagne et aborder sans tabous, la vie, la sexualité, l’amour… « Alors la sexualité, on en parle ou c’est comme la politique ? »

« Bande de filles » de Céline Sciamma 

Marieme vit ses 16 ans comme une succession d’interdits. La censure du quartier, la loi des garçons, l’impasse de l’école. Sa rencontre avec trois filles affranchies change tout. Elles dansent, elles se battent, elles parlent fort, elles rient de tout.